La lettre de ToutEduc du 16-09-2020

(Extrait)

Editorial : Confinement et numérique font l'objet d'un ouvrage et d'un avis dont les tonalités sont très différentes, mais qui se rejoignent sur le fond.

"L’Éducation aux temps du coronavirus" est un ouvrage collectif de chercheur.e.s engagé.e.s qui dénoncent les failles et les effets pervers de la "continuité pédagogique", l'avis du "Comité d'éthique pour les données d'éducation" sur les enjeux des usages des "données numériques d'éducation dans le contexte de la pandémie" est beaucoup plus policé. Mais leurs auteurs font les mêmes constats.

A la mi-mars, les dispositifs "Education nationale" n'étaient pas en capacité d'absorber "le flux des demandes", quoi qu'en ait dit à l'époque le ministre. Dans un second temps, l'offre a été renforcée, mais les enseignants sont restés sur WhatsApp, Google Suite, Zoom et Discord, "plus conviviaux et plus robustes". Second constat, la "fracture numérique" n'est pas une formule rhétorique. "272 000 élèves des 1er et 2nd degrés vivent dans des familles n’ayant ni PC, ni tablettes", un chiffre largement sous-estimé de l'aveu même du Comité, et qu'il faut sans doute multiplier par quatre ! L’illectronisme concerne de plus 17 % de la population. Une proportion non négligeable d'enseignants est sous-équipée et beaucoup n'avaient pas, au déclenchement de la pandémie, les compétences nécessaires à la mise en place d'un enseignement à distance. L’Éducation aux temps du coronavirus décrit parfaitement les conséquences de toutes ces failles.

Pour sa part, le Comité insiste sur l'importance des données numériques qu'ont pu recueillir des opérateurs privés. Contrairement à ce qui est souvent dit, ils ne sont pas à l'affût de données personnelles. En effet, même lorsqu'elles sont anonymisées, elles permettent d'identifier des "pratiques pédagogiques prometteuses", "de développer des plateformes d’enseignement s’adaptant automatiquement aux individualités des élèves" (donc, pour parler cru, de faire du "business" avec le travail des enseignants, des élèves et des familles), mais aussi "d'évaluer la situation du pays en matière d'éducation (...) ainsi que l’efficacité de différentes réformes (...). La connaissance de ces données par d'autres pays étrangers peut constituer une vulnérabilité pour notre pays."

On ne saurait mieux dire que l'éducation est aujourd'hui un marché, ce qu'on savait déjà, et une arme géostratégique, ce dont on avait peut-être moins conscience."

Abonnement : http://www.touteduc.fr/fr/tarifs

(communiqué par Pascal Bouchard)