Enseigner l’informatique et l’IA à tous les niveaux : une nécessité, selon Gilles Dowek, enseignant-chercheur. Pour lui, il est aussi urgent de mieux former les profs, via un Capes et une agrégation dédiée. (extrait)
Gilles Dowek est chercheur Inria et enseignant en informatique à l’ENS Paris-Saclay. Co-auteur du “Temps des Algorithmes”, membre de l’association Enseignement public & informatique (EPI), il a fait partie d’un groupe d’experts constitué par l’Éducation Nationale pour proposer les programmes de la spécialité “Informatique et sciences du numérique” en terminale S, en 2012. Il a aussi participé à la rédaction du rapport de l’Académie des Sciences “L’enseignement de l’informatique – Il est urgent de ne plus attendre”, et est membre du Conseil scientifique de la Société informatique de France (SIF).
(…) « selon moi, nous sommes aujourd’hui face à une révolution scientifique, comparable à la conquête de l’espace, et c’est aussi pour rester dans la course, que nous devons enseigner l’informatique, et a fortiori l’apprentissage statistique, à tous les niveaux.
Que pensez-vous de ce qui est fait actuellement à l’école, au collège et au lycée ?
Alors que l’enseignement des sciences est actuellement malmené avec la réforme du lycée (le nombre d’heures obligatoires a été drastiquement réduit), celui de l’informatique se développe, avec la création d’une spécialité informatique en 1ere et en Terminale, des heures en nombre conséquent, et un cours obligatoire en Seconde – une grande première, une vraie avancée. Mais là où l’Education nationale n’avance pas, c’est sur la question des enseignants. Aujourd’hui, on a enfin des heures dédiées à l’informatique, et un contenu cohérent et de qualité concocté par le Conseil supérieur des programmes… Mais il manque juste des professeurs d’informatique.
Cela fait bientôt 20 ans qu’à l’EPI, nous insistons sur la nécessité de créer un Capes et une agrégation d’informatique, pour recruter des profs bien formés et connaissant réellement la discipline qu’ils enseignent. Actuellement, tout repose sur des enseignants auto-formés et sur la formation continue de profs de diverses disciplines… cela peut fonctionner quand on enseigne l’informatique à des débutants, en primaire, mais pas en fin de collège et au lycée, où l’exigence est bien plus grande. On n’imaginerait pas de former au japonais, en quelques heures, un prof d’anglais, afin de lui faire enseigner la langue nippone au lycée !
Nous vivons un événement rare, qui n’arrive que deux fois par siècle – l’ajout d’une nouvelle discipline -, et si on veut le faire sérieusement, il est urgent de mettre en place un “plan Marshall” pour la formation des enseignants en informatique… »