ENS-Cachan
le 16 octobre 2019
La 31ème réunion du groupe ITIC-EPI-SIF a été consacrée à la rentrée 2019 dans les lycées, du point de vue de ses aspects informatiques dans le cadre de la réforme du lycée, et a été suivie de la première session du séminaire franco-argentin sur l'enseignement de l'informatique.
La rentrée 2019 a donc vu les créations de l'enseignement de spécialité NSI en première et de SNT pour tous les élèves de seconde. Sur près de 300 000 élèves de première, 8,1 % se sont inscrits à NSI et la combinaison Maths-NSI-PC aurait été choisie par 3,9 % des élèves de première.
Les
actions menées en particulier par l'EPI, la SIF et le groupe ITIC,
depuis de longues années, ont porté leurs fruits. Rappelons aussi
la création en 2012 d'ISN, enseignement optionnel en terminale S. La
« cause » d'un enseignement d'une discipline
informatique pour tous les élèves avance, même si son cheminement
est quelque peu chaotique depuis des décennies. Mais les faits sont
têtus, à notre époque, l'informatique doit être une composante de
la culture générale de tous et la mission fondamentale de
l'enseignement scolaire est de donner à tous les élèves la culture
générale de leur temps.
Il
faut donc réussir ces créations mais des obstacles subsistent, au
premier rang desquels figure la formation des enseignants. L'évidence
selon laquelle pour enseigner la discipline informatique il faut des
professeurs d'informatique spécialistes n'est pas (encore) la chose
au monde la mieux partagée. Certes, un Capes NSI a enfin été créé.
On parle de plusieurs dizaines de postes pour la première promotion
de 2020. C'est loin de correspondre aux besoins. Et à quand une
agrégation d'informatique ? Le vivier des professeurs
d'ISN permet de mettre en œuvre NSI, mais pas dans tous les lycées.
Des DIU d'informatique (diplômes inter-universitaires) se sont mis
en place à leur intention dans toutes les académies. Mais quels
enseignants pour SNT ? Des formations de deux, trois jours ne
sauraient suffire (notamment pour ceux qui découvrent la
discipline !). Il arrive que SNT serve de variable
d'ajustement pour compléter un emploi du temps ou éviter un service
sur plusieurs établissements (point de vue légitime pour des
professeurs dont le maxima de service pourrait permettre des
dédoublements dans leur discipline et dans leur lycée).
Par
ailleurs les programmes sont (un peu trop) ambitieux (1).
Autres
obstacles, du côté de la réforme du lycée, sa « philosophie »
et sa mise en œuvre « délicate » (2). Ainsi le passage
de trois à deux spécialités en terminale risque-t-il d'être
source de problème pour NSI.
Le
syndicat des inspecteurs d'académie s'est récemment adressé au
Président de la République et au Ministre de l'Éducation
nationale : « Aujourd'hui, nous attirons votre
attention sur les risques que font courir au système français
d'éducation des réformes hâtives aux orientations libérales, sans
autres visées qu'à court terme. Elles légitiment un système
éducatif à plusieurs vitesses ; la précarité des agents et
la privatisation de la formation seraient la clef de la réussite de
nos élèves ; le rythme effréné des réformes serait le gage
de l'efficacité du système. Tout cela est actuellement mené sans
considération de la réalité du terrain, des élèves et de leurs
parents, trop souvent désemparés, et de celle des professeurs qui
peinent à les mettre en œuvre à marche forcée ». Les
chefs d'établissement du privé, invités au Sénat le 8 octobre,
s'inquiètent des retombées de la réforme du lycée. Vivien Joby,
président du Snceel, le principal syndicat de chefs d'établissement
du privé sous contrat, a déclaré : « La réforme est
faite pour économiser des moyens » (3).
D'une
manière générale, les sciences sont maltraitées dans la réforme,
ce qui est paradoxal dans la société d'aujourd'hui. Dans le tronc
commun en première,
16h, il y a 12h de
matières littéraires et de sciences humaines, 2h
d'EPS et... 2h d'enseignement scientifique, les
mathématiques ayant quasiment disparu. Grave...
(4)
Concernant
le contrôle continu du nouveau bac, le Snes-FSU dénonce « un
niveau inédit d'impréparation » et demande la suppression
de la session de janvier (5). Et il y a ces emplois du temps trop
chargés et/ou peu pratiques pour les élèves, et éclatés pour les
professeurs, de fait la difficulté d'accès à certaines
spécialités, la mise à mal de la structure classe dont on sait
l'importance pour la vie des élèves, les
inquiétudes qui pèsent sur le conseil de classe (comment
faire un conseil de classe à 35 professeurs ?). Et et …
L'informatique
est omniprésente dans les entreprises et la société. Mais la
France manque d'ingénieurs informatiques. La Direction de
l'Animation de la recherche, des Études et des Statistiques (Dares)
estime à 80 000 le nombre de postes vacants. « Nous
sommes surtout confrontés à une pénurie de talents et de
compétences »
résume Neila Hamadache, déléguée à l'emploi et la formation à
la Fédération Syntec (3).
En
conclusion des échanges sur toutes ces questions, le groupe
ITIC-EPI-SIF a pensé qu'une reprise de contact avec les fédérations
de parents d 'élèves et les syndicats d'enseignants est à
l'ordre du jour : en effet, la poursuite et le développement de
l'action de tous, aux plans local et national, s'impose.
----------------------
La
première session du séminaire franco-argentin sur l'enseignement de
l'informatique, à
l'initiative de Fernando Schapachnik et
Gilles Dowek, a eu
lieu.
Nos amis argentins ont présenté plusieurs
travaux de didactique de l'enseignement de l'informatique. La partie
française, quant à elle, a informé sur les créations
d'enseignement de l'informatique intervenues depuis 2012, suite aux
nombreuses et persévérantes actions de l'EPI, la SIF et de
personnalités (voir notamment le rapport de l'Académie des Sciences
de 2013 "L'enseignement de l'informatique en France - Il est
urgent de ne plus attendre")
(6).
Jean-Pierre
Archambault
23-10-2019
(1)
https://www.epi.asso.fr/revue/articles/a1909a.htm
(2)
https://www.epi.asso.fr/revue/articles/a1905a.htm
(3)
https://www.epi.asso.fr/revue/articles/a1910a.htm
(4)
https://afdm.apmep.fr/rubriques/opinions/des-pistes-pour-sortir-de-la-crise-de-lenseignement-des-sciences/
(5)
https://www.francetvinfo.fr/societe/education/reforme-du-bac/epreuves-communes-de-controle-continu-au-bac-2020-le-snes-fsu-denonce-un-niveau-inedit-d-impreparation_3650513.html
(6)
https://www.academie-sciences.fr/pdf/rapport/rads_0513.pdf